Si vous aviez passé ces dernières années totalement accaparé par un album comme Star Of Love, vous seriez vous aussi à la recherche d’un peu de répit. Le premier disque des Crystal Fighters était le produit d’esprits rendus hystériques par un déluge de nouvelles expériences, à la fois en studio et sur la route. Il s’inspirait d’un opéra écrit par un homme dont la santé mentale s’était détériorée avant qu’il ait pu le terminer. Il semblait tout autant influencé par la musique Basque traditionnelle du 18ème siècle que par l’univers des clubs d’aujourd’hui, et contenait des traces résiduelles de tous les genres, scènes, styles et fêtes qui avaient existé entre les deux.

Mais si ce premier album était constitué de sons de boucles électroniques détraquées maintenues en rotations frénétiques comme des assiettes sur des baguettes, le second voit les Crystal Fighters maîtriser ces répétitions délirantes et s’extraire du chaos des clubs pour donner à leur musique la forme de chansons.

Pour écrire l’album, les Crystal Fighters se sont retirés dans les collines basques qu’ils considèrent comme leur foyer spirituel. Leur musique a toujours porté les traces des sonorités locales – des instruments traditionnels comme les txalapartas et les txistus rivalisant dans le mix avec des guitares en lames de rasoir et des synthés technos – mais le but de cette nouvelle mission était différent. Immergés dans leur berceau créatif, ils voulaient puiser dans quelque chose qui aille au-delà de leur expérience immédiate, et se délivrer des limites imposées par une époque quelle qu’elle soit, pour écrire des chansons intemporelles.

Ces méthodes ont connu un succès spectaculaire – les Crystal Fighters ont écrit l’intégralité de Cave Rave en deux mois. A la suite d’un rapide détour par Los Angeles pour produire les morceaux, les chansons écrites au Pays Basque restaient encore les plus audibles – mais maintenant que leurs mélodies avaient été rendues plus accrocheuses, elles éclataient en hymnes géants. Ce processus révélateur a également exposé le groupe à une nouvelle façon de penser : les musiciens ont réalisé que même les cultures qu’ils considéraient comme traditionnelles étaient relativement nouvelles.  L’album plonge encore plus profondément dans les thèmes universels et imprégnés d’histoire que sont l’amour, la mort, la folie et l’espoir ; en se servant de la culture basque comme d’un tremplin pour revenir aux valeurs spirituelles primordiales.

Les influences musicales se sont élargies, elles aussi. Star Of Love était le résultat d’un élan débordant, accumulant les genres, mais Cave Rave enrichit encore un peu plus la palette sonore. Le cœur battant des danses hispaniques et africaines, et la musique électronique tribale mexicaine, côtoient maintenant le folk et le psychédélisme, tous savamment interprétés et conjugués par la vision libre et sans entraves du groupe.

Si les Crystal Fighters se sont soumis au pouvoir de la chanson, ils n’ont pas hissé le drapeau blanc en termes d’énergie. Ce qu’on a là est une nouvelle énorme montée d’adrénaline : la frime du rock américain taillé pour la route, la sueur du disco, l’initiative fervente du punk, la house prémonitoire dans le crépuscule ibérique, tout cela à la fois. Ce qui a changé, c’est la capacité des Crystal Fighters à contrôler ces jaillissements – en ce sens, Cave Rave apparaît comme un album nettement plus réfléchi et plus contemplatif que son prédécesseur.

Néanmoins, il possède en son cœur la même tension, celle qui fournit leur force émotionnelle à tous les grands disques. Sebastian Pringle, Gilbert Vierich et Graham Dickson sont les trois membres de base des Crystal Fighters, autour desquels gravite un plus large cercle de chanteurs et d’instrumentistes. Le genre de gens dont les cerveaux semblent être en perpétuelle ébullition, tous intensément préoccupés par l’anthropologie, les voyages dans le temps, la spiritualité et leur place dans l’univers, même quand ils tentent de créer, à travers leurs morceaux, le type de cohésion sonore qui unit et touche vraiment tout le monde. Ils semblent passionnés par le fait de créer une musique qui puisse faire danser les gens, mais qui soit tout aussi capable de se frayer un chemin sous la peau de l’auditeur.

Avec Cave Rave, Pringle, Vierich et Dickson ont tout simplement réussi cela. Les mélodies, les riffs et les refrains de l’album sont si fascinants que c’est comme si les Crystal Fighters avaient tout simplement été obligés de les concevoir pour tracer leur route, passionnément, à travers des paysages où les genres sont absents, pour rester maîtres d’une musique qui semble être elle-même un territoire inconnu. On est ici en présence d’un groupe farouchement déterminé à trouver son propre paradis musical, un endroit situé bien au-delà des insignifiantes questions de styles, où ne demeurent, finalement, que la chanson, le rythme et le sentiment, explosant en une symphonie de couleurs vives dans la noirceur et le silence de la nuit basque.

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