A trop se cacher derrière sa batterie, sa barbe ou ses lunettes noires, il fallait bien que Cyrz s’expose tôt ou tard à la lumière…Et sur son premier album « Un morceau de mon avenir », même si c’était à la lumière d’une chandelle, au fond d’une grange, les cheveux couverts de paille, les chansons se tenaient là, debout, dans la pénombre, attendant sagement que quelqu’un entrouvre la porte pour aller prendre l’air…Folk, Cyrille Paraire l’est assurément, comme on peut l’être quand on vient d’un petit village de la Drôme nommé Montéléger , élevé prêt du bruit du ruisseau voisin, une guitare dans la main, des cailloux dans l’autre . Et sa campagne ressemble à s’y méprendre à la campagne américaine, terre de héros revendiqués par tant d’apprentis chanteurs… Cyrz a donc revêtu un moment les habits folk de Neil Young, mettant sa poésie grinçante au diapason de ses accords ciselés, et persuadé depuis l’arrivée de quelques aventuriers du verbe chez Lithium (Dominique A, Bertrand Betsch, Jérôme Minière…) qu’on pouvait chanter en français sans être ridicule. Comme chez ces modèles avoués, le dépouillement scénique et musical semble lui convenir, la solitude le protéger. Mais de Neil Young, il garde surtout au fond de lui des envies d’évasions électriques comme on porte un lourd secret, qui sortira un jour, forcément…. Car à l’intérieur, ça gronde ! Des cassettes, des dizaines de démos, des bribes de concert en groupe nous avaient mis la puce à l’oreille : les chansons de Cyrz étaient désormais prêtes à quitter le terroir pour affronter la ville ! Oh non pas que le propos ait changé : on ne change pas comme ça une écriture aussi personnelle, aussi incisive, mais capable pourtant de parler à chacun…Car ses chansons ne sont pas des chansons d’amour : elles questionnent sur les travers de l’amour et sur ses conséquences! Car ses chansons ne sont pas des chansons sur l’amitié : ce sont des chansons amicales, découpant au scalpel la chair fragile des relations humaines. Et si ses chansons sont un peu noires, elles sont de cette noirceur qui les rend lumineuses. Alors voilà que s’opère en douceur la métamorphose : Cyrz ne retiendra plus rien, il ira au bout de ses idées et de ses humeurs sur « Mélancolie Frénétique », 2e album sur le point de s’égrainer aux quatre vents. Porté par des arrangements de cordes et de cuivres (trompettes et banjos caracolent allègrement de concert), des chœurs, l’album réussit la prouesse de rester fidèle à l’univers de son créateur en s’aventurant hors des sentiers balisés de ses débuts. Mike (Dionysos), dynamiteur en chef de cet ambitieux projet, apporte ses rythmiques hip-hop (Pardon Messieurs Dames) et groovy (Sursis, Beyrouth, C’est pas l’amour à boire), gardant ses plus belles cordes pour les morceaux un peu plus intimistes (Je reste là, Double Infidélité ). Décomplexées, les chansons de ce deuxième album, confirment ce que l’on pensait depuis le début : le chanteur drômois est un être complexe ! Et la douce schizophrénie qui émane de ces 13 titres rend le projet d’autant plus attachant. Les cheveux au vent, les lunettes de soleil sur sa barbe en bataille, Cyrz attend désormais patiemment son heure, un pied dans le ruisseau, l’autre sur le bitume, des fleurs dans une main et des cailloux dans l’autre. « Mélancolie Frénétique » est prêt….Jamais titre d’album n’avait si bien résumé son auteur !

Fabrice BONNET