“Je vois le personnage de la chanson ‘Division Street’ comme quelqu’un qui se trouve à un moment où sa vie peut prendre deux directions différentes,” dit Harper Simon de la chanson qui donne son titre à son nouvel album articulé autour de divers récits. “Je pense que ces chansons tendent à être des sortes d’instantanés de personnages à des moments clés de leurs vies. Elles peuvent prendre une direction ou une autre, dans une Rue Division (Division Street) métaphorique : vers le haut ou vers le bas, négative ou positive, vers la lumière ou vers l’autodestruction.

“Ou—comme dans la chanson ‘99’— ils regardent en arrière, considérant un moment qu’ils n’ont pas identifié comme crucial,” dit-il. “Parce qu’il est effectivement rare qu’on s’en aperçoive.”

Division Street constitue un changement de cap par rapport à son premier disque éponyme au parfum alt-country, avec un son majoritairement dominé par les guitares électriques. “Le but était de faire le genre de disque Rock ‘n’ Roll que je voudrais écouter moi-même,” dit-il. “Ça a l’air simple, mais en fait, c’est incroyablement difficile.”

Simon a coproduit Division Street avec Tom Rothrock, qui a entre autres produit trois albums d’Elliott Smith (Either/Or, XO et Figure 8) et le premier album de Beck, Mellow Gold. A mesure que le duo avançait dans son travail, le son de l’album devenait de plus en plus brut de décoffrage. “Je me suis senti mis au défi et inspiré par l’idée de faire un album de folk-rock psychédélique moderne, une production Tom Rothrock comme XO, mais avec le Velvet Underground et les Stones qui pointaient constamment le bout de leur nez,” dit Simon. “Elliott Smith était très influencé par les Beatles, mais mon jeu de guitare est plus influencé par Keith Richards. Et je ne cessais de vouloir faire ressortir une dimension lo-fi.”

Les personnages saisissants qui apparaissent dans les chansons de ce LP sont parfois des amalgames de gens qu’a connu Simon, et à d’autres moments, ils sont imaginaires—mais ils sont tous à un tournant décisif de leur histoire. A propos de la chanson “Eternal Questions,” Simon dit, “A l’origine, j’imaginais ce personnage, un gars qui s’enfuit d’une cure de désintox. Et il est dans une voiture qui le ramène en ville. Il revient pour se défoncer. Il y a quelque chose dans ce moment particulier, une énergie tellement folle, que j’ai trouvé que ça serait intéressant pour une chanson. Et je l’ai imaginé se demandant qui il allait appeler, chez quelle fille il allait pouvoir s’écrouler. Quel dealer il allait appeler. Sachant qu’il était en train de merder mais ayant dépassé le point de non-retour.”

Le premier disque de Simon bénéficiait de toute une coterie de collaborateurs et beaucoup de ses chansons étaient coécrites. Le nouvel album, toutefois, met Simon lui-même bien plus en avant, et n’en est donc que plus risqué d’un point de vue personnel. “J’ai écrit toutes les musiques et tous les textes, c’est un disque emmené par la guitare, et c’est moi qui joue cette guitare. C’est principalement le son de Pete [le batteur Pete Thomas, d’Elvis Costello and the Attractions] et moi enregistrant live, rien que nous deux. D’autres musiciens, des grands, sont venus ensuite rajouter leurs parties.”

“Peut-être que je manquais de confiance en moi sur le premier disque, et donc je désirais la participation d’auteurs plus confirmés pour mettre la barre assez haut,” dit Simon. “Cette fois-ci, j’ai senti que je devais tout porter moi-même.”

Il a fallu 18 mois pour écrire et enregistrer Division Street, et Simon a dû relever quelques défis personnels pour le terminer. “Au milieu de l’enregistrement, j’ai pensé que j’allais prendre quelques semaines pour travailler sur les textes, mais ça m’a finalement pris trois mois,” dit Simon. “Ça a été une période très difficile. Je souffrais d’une profonde dépression et je me foutais constamment la trouille. J’ai finalement dû suivre un traitement, ce qui m’a un peu aidé. Il m’a fallu trois mois pour retourner enfin au studio, mais à ce moment-là j’avais la majorité des textes.”

L’album a été difficile à terminer, certes, mais c’est assez logique : en tant qu’auditeur, Simon est attiré par les singer-songwriters dont les processus de création difficiles sont mis en évidence dans leur œuvre. “J’aime quand un songwriter fait vraiment un saut dans l’inconnu et fouille profondément en lui-même pour revenir avec quelque chose de fort,” dit-il. “J’ai tendance à être attiré par des artistes avec de vrais problèmes—les marginaux et les animaux blessés.”

Division Street bénéficie de la participation de beaucoup de musiciens invités—dont Nikolai Fraiture, des Strokes, à la basse, Inara George au chant, Brian LeBarton, le directeur musical de Feist, qui joue des synthés, ainsi que Nate Walcott de Bright Eyes et  Mikael Jorgensen de Wilco. Benmont Tench (des Heartbreakers) et le célèbre producteur et compositeur de LA, Jon Brion, ont également participé à une séance d’enregistrement. “J’ai beaucoup de chance,” dit Simon. “Tous ceux que nous avons invité à jouer sur le disque sont venus.”

Le batteur, Pete Thomas, s’est énormément impliqué dans la construction de l’album, dès les toutes premières séances. “Avec Pete Thomas, j’avais le batteur parfait pour ce job,” dit Simon. “’J’ai grandi en écoutant son travail avec Elvis Costello. Pete est totalement unique, je trouve—il possède la sophistication d’un batteur de studio de premier ordre, si besoin est, mais également une profonde compréhension du jeu de batterie primitif, punk. Et même cette description ne rend pas vraiment justice à sa musicalité.”

“J’admets avoir mis du temps à démarrer,” dit Simon, qui espère donner une suite à Division Street avec deux autres albums se succédant rapidement. “La plupart des gens font leurs trucs Rock ‘n’ Roll entre 25 et 35 ans ; je vais les faire entre 35 et 45 ans. Pour je ne sais quelle raison, c’est mon étrange destin.”

Les goûts de Simon sont éclectiques, ce qui pourrait expliquer pourquoi cet album possède un son si différent du premier. “En tant que guitariste, je suis tout aussi à l’aise en jouant des trucs genre honky tonk ou du folk en picking qu’un riff à la Ramones ou qu’un solo dans le style de Ron Asheton,” dit-il. “J’aime Little Richard, les Kinks, Big Star, Hank Williams, les Pixies, Television, Muddy Waters et T Rex. J’aime les Who et j’aime X. J’aime tout ça.”