Vers la fin du premier mandat de Reagan, la « Western Massachusetts Hardcore scene » a accouché d’un terrible gros morceau appelé Dinosaur. Le trio était une tournade étouffante de guitares noises, de « bad attitude » avec un petit quelque chose de « pop » toujours en évolution. Le contour de leur son s’est réduit et épanoui, pour muter pendant 13 ans. Et dans la course contre le temps, Dinosaur (devenu Dinosaur Jr pour des raisons légales) a défini un set très spécifique, très agressif, avec des chansons en rapport avec ce qu’il se passait à l’époque. Leur seule régularité était le cuir chevelu de J Mascis, le son lourd de sa guitare et sa voix caverneuse.

Quelques années avant qu’ils terminent leur règne, J a sorti un album solo appelé Martin + Me. Enregistré en live et acoustique, le disque a permis à l’écriture de J d’être totalement visible pour la première fois. Les fans ont été surpris d’entendre l’élégance mélancolique de ses compositions. Depuis la reformation du lineup originel de Dinosaur Jr en 2005, J a enregistré plusieurs albums solos, et de temps en temps quand il a des chansons adaptées à un set acoustique, il se produit en live. Et ses albums, Sings + Chant for AMMA (2005), Several Shades of Why (2011) and Tied to a Star (2014) ont tous donné des lives incroyables, présentés avec un minimum de grandiloquence et l’attitude cool de J.

Comme ses prédécesseurs, Elastic Days a été enregistré dans le studio de J, le Bisquiteen studio. Mascis a fait presque tout sur cet album, Ken Miauri (qui a aussi travaillé sur Tied to a Star) joue des claviers, et il y a quelques invités pour certaines voix et chœurs. On retrouve donc ses vieux amis Pall Jenkins (Black Heart Procession), et Mark Mulcahy (Miracle Legion, etc) mais aussi la voix nouvelle de Zoë Randell (Luluc). Pour tout le reste, c’est vraiment le show de J et seulement J.

Il rigole quand je lui dis que je surpris de la façon dont sa voix sonne très mélodique. Je lui ai demandé si c’était intentionnel, il raconte : « Non. J’ai pris quelques leçons de chant, et je fais quelques échauffements de la voix maintenant, mais c’était surtout pour empêcher à mes cordes vocales de s’abimer quand la tournée de Dino allait recommencer. La plus grosse différence avec ce disque se trouve peut-être sur les parties de batterie. J’ai acheté une nouvelle batterie et j’étais très excité. J’ai joué beaucoup plus de batterie que je l’avais planifié à la base. J’ai juste continué à jouer. J’ai joué les parties de la guitare acoustique puis juste après les batteries. »

Il y a beaucoup de batterie sur la douzaine de chansons d’Elastic Days. Mais pour ceux qui attendent l’hallucinante surcharge de Dinosaur Jr comme lorsqu’ils jouent en live, l’approche délicate qu’il y a sur ce disque amènera plutôt une comparaison avec l’approche binaire de Neil Young lorsqu’il bossait avec Crazy Horse. Et tout sonne encore très vrai sur cet album.
Les voix de J ont toujours penché dans la direction de The Bard of Toronto, mais comme au début de Dinosaur Jr, à l’époque de « Freak Scene », la voix de J est tout de suite reconnaissable. Sur une chanson comme « Sky Is All We Had », le même dynamisme est à l’œuvre, mais l’évolution de la technique est si importante que ça hisse le processus à un nouveau niveau. L’album est plein de pépites. Construit autour de tricks de guitare acoustique, souvent avec des effets qui se tiennent à l’écart des envolées électriques. Les chansons sont séductrices et superbes.

Elastic Days déborde d’autres grands moments : d’épiques crochets qui vous piègent d’une manière subtile, des sons de guitares slide qui s’étreignent comme de vieux amants, et des structures instrumentales et vocales au fort potentiel de balades pop comme sur ‘Web So Dense’. Il y aussi des morceaux aux influences plus jazz et post psychédéliques de la West Coast comme ‘Give It Off’, et enfin on trouve des morceaux avec beaucoup de claviers qui rappellent l’époque de Scott Thurston lorsqu’il jouait avec les Stooges (le morceau ‘Drop Me’). L’album joue sur la combinaison entre l’holisme et la variété du disque qui va certainement toucher le cerveau de beaucoup de gens.

J explique qu’il défendra son album sur la route plus tard dans l’année. Il jouera tout seul, mais contrairement à d'autres tournées solo il dit qu'il jouera debout cette fois. « J’ai l’habitude de rester assis et de construire un petit château autour de moi – amplis, mes planches à pédales, ma table de boissons, et plein d’autres trucs. Mais j’ai réalisé que ça sonnait mieux si les amplis étaient plus haut et plus forts parce que je suis fatigué de jouer avec des piles. Donc cette fois je me tiendrai debout. »

J’ai demandé si ce n’était pas trop bizarre de se tenir seul sur une grande scène. « Ouais, mais c’est bizarre de s’asseoir aussi. » m’a-t-il répondu… Il marque un point.

--Byron Coley