Plus les années passent, plus Jean-Louis Murat accélère son rythme discographique. Relativement économe de ses efforts au début de sa carrière (seulement trois albums dans la décennie 1980, quatre pour la suivante), l’Auvergnat a considérablement augmenté sa vitesse de publication au tournant des années 1990/2000, avec six disques parus par décennie (sans compter les projets parallèles, littéraires, ni les enregistrements publics).

Car il « écrit des chansons comme on purgerait des vipères ».

Au sortir d’une année 2019 passée en studio et sur les routes de France, Murat a notamment réédité deux authentiques chefs-d’œuvre. D’abord, son troisième album Cheyenne Autumn (1989), disque majeur et inusable qui a durablement marqué la chanson française et influencé nombre d’artistes hexagonaux à travers des ballades spleenétiques faisant le grand pont entre Leonard Cohen et Léo Ferré, Robert Wyatt et The Pale Fountains.
Autre réédition anniversaire, Mustango (1999), le septième album de Murat et le premier disque américain de sa carrière, enregistré entre New York et Tucson, aux côtés de Calexico, d’Elysian Fields et du guitariste inventif Marc Ribot.

Avec le transatlantique Mustango, l’homme privilégie l’immédiateté mélodique et retrouve son instrument de prédilection, la guitare, qu’il avait délaissée le temps de l’immense Dolorès (1996), œuvre de rupture sentimentale et artistique principalement composée au clavier.
Dans les années 2000, donc, Murat tient une cadence infernale, alternant albums studio (dont le classique Le Moujik et sa femme en 2002, le triple Lilith l’année suivante et l’atmosphérique Taormina en 2006), collaborations multiples (Isabelle Huppert avec Madame Deshoulières en 2001, Jennifer Charles et Fred Jimenez pour A Bird On A Poire en 2004) et adaptations musicales (Jean de Béranger, Baudelaire et Ferré).
Dix ans après Mustango, l’Auvergnat repart outre-Atlantique pour enregistrer à Nashville, le temple de la country. Le Cours ordinaire des choses (2009) résume bien cette décennie pour son insatiable auteur-compositeur-interprète.

“Chanter est ma façon d’errer”, comme il le dit lui-même.

S’ouvre alors une nouvelle décennie avec Grand lièvre (2011), avant que Murat ne tourne définitivement le dos aux majors et rejoigne le label indépendant [PIAS].
Cet artisan de la chanson française enchaîne les disques en solo (Toboggan, 2013) ou en groupe (le mirifique Babel en 2014 avec The Delano Orchestra, l’endeuillé Morituri en 2016).
En 2017, Jean-Louis Murat échafaude une fusée à trois étages, dont le premier volet volontiers électronique et expérimental, Travaux sur la N89, surprend son monde, avant que le superbe Il Francese (2018), marqué par le deuil (la mort de son batteur historique Christophe Pie) et les aspirations napolitaines, ne vienne couronner des années 2010 décidément prolifiques pour son auteur.

Et comme le chanteur sexagénaire n’en fait qu’à sa tête depuis le mythique 45 tours Suicidez-vous le peuple est mort (1981), il revient en mars 2020 avec un vingtième album, qui n’est pas la fin espérée du triptyque. Comme son titre l’indique, Baby Love est l’œuvre magistrale d’un homme amoureux – comme le miroir inversé de Dolorès un quart de siècle après.
C’est un disque qui groove. “J’en avais marre de réfléchir aux chansons, je voulais d’abord m’amuser et me mettre hors contrôle”, explique l’intéressé. “Cet album concentre toute la musique que j’aime, en particulier celle qui me donne envie de danser, comme le disco. Car je suis un danseur invétéré.”

En plein chamboulement personnel et écoutant en boucle le groupe Earth, Wind & Fire, Murat a composé et écrit ces onze chansons ramassées en quarante minutes, jouant tous les instruments avec son vieux complice Denis Clavaizolle. “Dans le studio de Denis, mon mot d’ordre était de lui dire que nous étions en 1985, comme des débutants en quête d’un premier contrat discographique. Nous avons recherché la simplicité, avec des chansons au format 3’30.”
Tombé sous le charme d’une guitare Pistachio, Jean-Louis Bergheaud s’en donne à cœur joie et s’éclate comme rarement. “C’est la nouvelle guitare de ma vie”, s’enthousiasme-t-il. “En studio, je pensais d’ailleurs à la musique plutôt qu’aux paroles. J’ai presque découvert les textes au moment du mixage de l’album, un peu comme si leur sens m’avait échappé. Je constate que c’est de la chair à psychanalyse. Comme toujours dans mes disques, il est question d’amour finissant et d’amour débutant. J’ai souvent écrit dans cet état de suspension.” Baby Love balance ainsi entre amour nouveau (La Princesse of the Cool, Le Reason Why, Si je m’attendais) et désamour (le single Troie, Réparer la maison, Ça s’est fait). Derrière sa pochette typographique d’un rose disco, se cache le vingtième album studio de Jean-Louis Murat – déjà l’un des grands disques de 2020.

Crédits :

Réalisé par JL Murat
Tous instruments : JL Murat - Denis Clavaizolle
Arrangements : Denis Clavaizolle - JL Murat
Mixé par Aymeric Létoquart au studio de la Seine à Paris
Masterisé par Jean-Pierre Chalbos à La Source Mastering
Artwork et photos : Frank Loriou
Production exécutive : Laure Bergheaud
Management : Guillaume Depagne, gd@aimegmt.com
Paroles et musiques : JL Bergheaud Murat
Editions : Scarlett Productions Editions