« Le jour où les Riot grrrl de Sleater-Kinney ont enflammé La Cigale

Pour certains, vendredi 20 mars [2015] était synonyme d’éclipse solaire et de pic de pollution. Pour d’autres, il s’agissait surtout de l’arrivée des Sleater-Kinney à Paris, leur huitième album, No Cities To Love, sous le bras. Le genre de rendez-vous culte pour les adeptes de punk féministe, les nostalgiques du mouvement Riot grrrl et tous ceux ayant versé une larme lorsque les trois filles d’Olympia (Etat de Washington) ont annoncé leur séparation. C’était en 2006, et Carrie Brownstein, Corin Tucker et Janet Weiss avaient décidé de ranger leurs guitares pour une durée indéterminée, après avoir secoué la scène rock féministe douze ans durant. Il leur en aura fallu neuf pour se reformer et accoucher d’un nouvel album plus pop que punk mais toujours porteur d’une énergie folle.

Dire que les Sleater-Kinney sont ultra charismatiques sur scène relèverait presque de l’euphémisme. Sanglée dans une robe en cuir, les cheveux blonds au carré, Carrie Brownstein- qui connaît une deuxième carrière sur le petit écran, dans la série satyrique Portlandia– martyrise sa guitare comme vingt ans auparavant, tout en épaulant Corin Tucker, en robe asymétrique, au chant. Derrière elles, Janet Weiss, à la batterie, s’assure de la frénésie des morceaux. Des carrés de tissus accrochés au mur du fond flottent dans les airs, caressés d’une lumière naviguant entre le rouge et le bleu. Sublime.

Le live est à l’image de leurs albums: abrasif. Sans basse ni clavier, leurs morceaux baignent dans une rébellion post-adolescente, si jouissive qu’elle vous colle des papillons dans le ventre. Le genre de concert à vous donner envie de remonter le temps histoire de traîner à Olympia en 1994, de préférence avec leur bande.

Le trio, complice, déroule une setlist frôlant la perfection. Le concert s’ouvre sur Price Tag, bombe rageuse de leur dernier album. Une bonne entrée en matière. Suivront les géniales Fangless, Bury Our Friends, No Cities To Love… toutes jouées avec la même férocité animale.

Mais ce sont les deux rappels, aussi longs que bourrés de vieux tubes (dont l’incroyable Dig Me Out) qui assureront au concert son label “culte”. Avant de conclure, Corin Tucker appellera à respecter l’égalité des genres, dans la plus pure tradition Riot Grrrl. En 1996, les Sleater-Kinney chantaient I’m the Queen of rock’n’roll sur le délirant I Wanna Be Your Joey Ramone. Vingt ans et une reformation plus tard, le trio le prouve plus que jamais. »

Par Carole Boinet
Les Inrocks
Le 22 mars 2015