« Essayer de faire quelque chose de différent avec une chanson pop, briser la convention des couplets et des refrains – c’est quelque chose qu’on garde toujours à l’esprit quand on enregistre, » dit le bassiste Tom Warmsley, qui a formé Temples avec le chanteur/guitariste James Bagshaw à l’été 2012.

Temples fait penser à un groupe psyché de la Côte Ouest, il a tout d’une bande de voyageurs cosmiques. Il y a le nom du groupe, pour commencer, mais aussi les titres des morceaux qui ressemblent à des romans de JG Ballard (« Prisms », « The Golden Throne », « Sun Structures ») et le fait que ses membres emportent des bâtons d’encens avec eux sur la route. Mais si tout ceci vous donne l’impression que Temples regarde en arrière, détrompez-vous. La musique du quatuor de Kettering est un mélange de martèlement glam crasseux, de folk-rock rêveur baigné de guitares douze cordes, de psyché bourdonnant et de bien d’autres choses – le tout avec une approche 2013. Rétro est un mot tabou.

« La musique psychédélique a toujours été innovante, » dit Tom. « Il serait très facile de tomber dans le piège du groupe revival, mais notre objectif est de faire référence à tout ça et d’y apporter quelque chose de complètement nouveau. Une chanson comme ‘Sun Structures’ parle d’un sujet contemporain en se servant d’images anciennes avec une touche de religion orientale. Ce n’est pas une œuvre de fiction dans laquelle les gens ne pourront pas se retrouver. Ne rester fidèle qu’au son prouve qu’on fait quelque chose qui n’aurait vraiment pas pu être fait avant. »

Temples a effectivement commencé avec un amour commun de la musique et du mysticisme. Les quatre musiciens se sont rapprochés autour des écrits d’Aldous Huxley et de Timothy Leary, des films de Kenneth Anger, et de la musique des Byrds plutôt que celle des Beatles (« Ils étaient plus flous et plus intéressants, » pense Tom. « Les Beatles dévoilent trop de choses ; les Byrds te font travailler plus dur. C’est cette quête visant à en apprendre et à en découvrir toujours plus qui nous intéresse. »).

Une fois de retour de leurs villes universitaires respectives dans le Northamptonshire, les recherches bizarres des membres du groupe leur ont fourni un moyen d’échapper à la vie dans la grisaille d’un bourg anglais. « On écrivait, on enregistrait, on cherchait du travail, sans réellement savoir quoi faire, » dit Tom. Et le relatif manque d’effervescence leur a donné plus de temps pour se concentrer sur la musique. « C’est vraiment une ville très étrange pour l’art, parce qu’ici, il n’y a rien, » dit James. « Il y a des artistes à Kettering, mais ils n’ont aucun débouché. »

Réalisé à Kettering, le premier disque de Temples est sorti dans une explosion de technicolor en juillet 2012. Le groupe a enregistré « Shelter Song », l’a postée sur internet et a déclenché un irrésistible enchaînement d’événements qui l’a finalement vu signer sur Heavenly Recordings. Ce même morceau, une entraînante galopade psychédélique, est sorti sur leur premier single – et est rapidement devenu aussi recherché que n’importe quel vinyle vintage qu’ils convoitaient de leur côté. Le 45 tours s’échange maintenant régulièrement autour de 120 € sur eBay.

Une des choses les plus surprenantes au sujet de ce morceau c’est le fait que, comme toute la musique de Temples, il a été enregistré à la maison, dans le débarras du pavillon de James à Kettering, le dernier d’une rangée de maisons similaires, avec un voisin merveilleusement indulgent. « Je m’excuse toujours auprès de lui pour le bruit, mais il répond, 'Ce n’est pas du bruit, c’est de la musique,' » dit James. Le groupe vise une production à la Jack Nitzsche avec un budget amateur – et réussit à l’obtenir. « C’est comme Joe Meek – il enregistrait les voix dans la salle de bains de son appartement de Holloway Road, » dit Tom. « De la façon dont je vois les choses, il n’y a plus de limites, » dit James. « Si tu sais ce que tu veux obtenir, il y a toujours un moyen d’y arriver. Aujourd’hui, avec la technologie, on a la possibilité d’imiter des trucs qui auraient coûtés un bras il y a quelques années. »

L’accueil réservé à « Shelter Song » l’a confirmé. Mais il y avait un problème avec la vague d’intérêt qu’elle a soulevée. Le groupe n’était, techniquement, pas encore un groupe, et on lui proposait des concerts avant même qu’une formation complète n’ait réellement été mise en place. James et Tom ont donc recruté le batteur Sam Toms et le joueur de claviers Adam Smith, tous deux de Kettering, et ont travaillé à rendre tangible l’intangible. Rapidement, le groupe est devenu une formation scénique accomplie, donnant des concerts du nord au sud du Royaume-Uni, s’attaquant au circuit des festivals et partageant même l’affiche avec les Rolling Stones à Hyde Park, à Londres, en juillet 2013. Pour le Record Store Day de cette année, ils ont rejoint leurs collègues d’écurie de chez Heavenly pour une virée mémorable à Paris. Toy, Stealing Sheep et Charlie Boyer and The Voyeurs étaient à bord. « C’était incroyable. Comme un voyage scolaire, mais d’un genre assez différent, » dit James.

Outre les Stones, le groupe a attiré l’attention de certains des plus grands noms de la musique. Johnny Marr s’est déclaré fan (« Comme c’est bien sûr un très grand ambassadeur de la 12 cordes, c’est sympa qu’il nous ait repéré, » dit Tom), Robert Wyatt a proclamé son intérêt dans une lettre adressée au management du groupe, Suede les a invités en tournée et Noel Gallagher est venu les voir jouer à Londres. Une certaine pression pour un nouveau groupe, non ? « Pas vraiment, » dit James. « Je suis assez confiant à ce sujet – il n’y aura aucun morceau de remplissage et aucun titre ne sonnera comme le suivant. »

Dans l’immédiat, l’objectif est de s’atteler à la finition du premier album. Mixé à New York par Claudius Mittendorfer (qui a précédemment travaillé avec The Mars Volta, Muse & Franz Ferdinand), il est presque terminé et prêt pour une sortie au début de l’année prochaine. Le groupe a de grands espoirs pour 2014. « J’ai hâte que les gens entendent certaines des chansons que nous n’avons pas encore jouées en concert, » dit Tom. « ‘Move With The Season’ est tapissée de 12 cordes mais avec un beat en boucle presque années quatre-vingt-dix qui tourne dans le fond, et des énormes harmonies à trois voix. C’est les Byrds version baggy. »

C’est un disque destiné à faire de Temples les premiers rétro-futuristes de Grande Bretagne, avec des influences allant du psyché sixties à la Motown, en passant par le glam, le Krautrock et le baggy, toutes vus à travers un kaléidoscope très moderne – et en gardant toujours la chanson au cœur de leurs préoccupations. « Nous voulons toujours que les chansons soient des chansons. » La clé, dit James, c’est l’innovation. « Nous ne voulons jamais refaire la même chose, utiliser la même formule que sur une chanson précédente. Nous cherchons toujours à nous dépasser. »