Concert le 15 novembre à La Cigale pour le Festival les Inrocks

« Nous sommes The Acid »
Jusqu’à maintenant, ces quelques mots étaient les seules syllabes que The Acid avait prononcées collectivement et publiquement. The Acid, ce sont trois personnes qui font de la musique qu’ils veulent juste partager, pour elles-mêmes. Mais il s’est tout simplement avéré que cette musique était si immédiatement fascinante, si manifestement différente, que la rumeur s’est très vite répandue et que plus les gens parlaient de leur EP éponyme, un disque trippant à la hauteur de son nom, plus ce manque d’information prenait de l’importance. Comme ils le disent eux-mêmes, « ça n’était pas censé être mystérieux, on voulait juste que notre travail parle pour lui-même. »
The Acid est, semble-t-il, un groupe basé sur la synchronicité. Il est formé par :
Le Californien Steve Nalepa, sorte de génie universel qui a exercé une forte influence sur la scène musicale de la Côte Ouest. Il a contribué à façonner les esprits de futurs musiciens electro en tant que professeur de technologie musicale dans un prestigieux conservatoire de musique d’une université. Il a conçu des cours pour l’école de production de musique électronique située sur les Côtes Est et Ouest, ainsi qu’en ligne, Dubspot, et également inventé la plate-forme Ableton Live pour quelques-uns des plus grands artistes mondiaux en tournée. Au-delà de cette intense activité dans le domaine de la technologie musicale, Nalepa est également éditeur de livres d’art primés qui s’attachent à questionner les idées traditionnelles sur la culture, via la maison d’édition réputée et estimée qu’il a fondée lui-même, Dilettante Press.
Le producteur nommé aux Grammy Awards et parrain de l’electro britannique Adam Freeland. C’est un DJ globe-trotter, un optimiste autoproclamé, le créateur du hit subversif grand public « We Want Your Soul », et le patron du label de Brighton Marine Parade Records, qui publie des titres d’autres producteurs comme Evil Nine et Alex Metric. L’obsession de Freeland, quel que soit le projet musical auquel il participe, a toujours été de se concentrer sur de très hautes valeurs de production et sur le bouleversement des idées reçues.
Le musicien et producteur, né en Australie et basé à LA et à Berlin, Ry X, dont le EP « Berlin », sorti sur le label suédois Dumont Dumont en 2013, a reçu un accueil pétillant. Infatigable collaborateur et fervent chasseur de miroirs créatifs, il a lancé le projet « Howling » basé à Berlin avec Frank Wiedemann, la moitié du duo allemand de deep house Âme. Cette naissance d’une « techno tendre » a vu leur morceau « Howling » – sorti sur le label culte d’Âme et de Dixon, Innervision – devenir l’un des meilleurs de l’année et numéro un dans les classements de deep house et sur la scène des clubs de toute l’Europe.
On a encore un peu de mal à croire que leurs univers séparés se soient rencontrés de façon aussi parfaite pour faire naître The Acid, et à plus forte raison qu’il leur ait fallu moins d’une journée pour créer la superbe et envoûtante chanson, « Animal », qui sera à la fois le titre d’ouverture de leur EP éponyme, sur le point de paraître sur Infectious Music, et de leur exceptionnel premier album, Liminal, qui suivra peu de temps après.
Il y a un an, Freeland, dorénavant basé à Brighton, était de passage dans son ancienne ville de Los Angeles, encore en train d’essayer de se réhabituer à une existence sans voyages, après seize années passées en tournées, tandis que Ry venait tout juste d’atterrir en provenance de Berlin, après avoir joué dans des festivals et des clubs un peu partout en Europe. Les deux hommes, qui s’étaient déjà rencontrés des années auparavant, sont tombés l’un sur l’autre au cours d’une fête donnée par un ami commun. Freeland s’est découvert de forts liens avec les récentes expérimentations de Ry dans l’univers de la house music, tant au niveau de la production que de l’interprétation. Ils avaient tous deux récemment effectué de profondes explorations des domaines du développement personnels et de l’art, ce qui les a conduits à collaborer dans la maison de Ry, à Topanga Canyon, esquissant des enregistrements par téléphone et parlant de divers concepts ayant trait au monde et à la musique. Ils ont vite réalisé que leurs styles d’écriture se combinaient naturellement pour produire une nouvelle forme exaltante.
Par chance, Freeland avait une séance avec son ami Nalepa, dans son home studio, le lendemain. Ils l’ont pris comme un signe pour expérimenter. Ayant donné naissance à « Animal » dans les premières 24 heures, il n’a ensuite fallu que neuf jours au trio pour écrire et enregistrer le reste de du stupéfiant The Acid EP. Une prouesse, mais ils soutiennent tous que ce projet a été à bien des égards remarquablement naturel. Comme le révèle Nalepa, « pour les deux premières chansons, on s’est pointés avec notre palette sonore. On a connu ce moment où tu réalises, ‘on pourrait faire un album entier comme ça’. » Freeland poursuit, « tout dans ce processus a été très synchrone. De faire de la musique jusqu’à obtenir un contrat discographique. Ça a tout simplement coulé de source. The Acid s’est enfanté lui-même. » Il continue, citant The Outliers de Malcolm Gladwell, « Les choses viennent de gens qui sont au bon endroit au bon moment, mais ces personnes doivent avoir travaillé dix milles heures à leur art avant de pouvoir saisir ce moment précis dans le temps. »
Ce que The Acid a créé reflète la façon dont nous écoutons aujourd’hui – des séries de durées variables de morceaux de musique d’univers disparates, via des téléphones et des écrans, ou du streaming, des stations de radio sur internet et des pages d’accueil sur lesquelles on clique rapidement – mais amalgame ces expériences d’écoute fragmentées en un tout étonnamment cohérent. La guitare, parfois trois ou quatre d’entre elles superposées, se mêle sans heurt aux vibrations de la basse, à la pulsation des beat, aux drones prolongés et au chant de RY X, entre rage et beauté, au milieu de délicates lignes de synthé et d’enregistrements ralentis de bruits de la rue, d’oiseaux, de cliquètement de rayons de vélos et du grincement d’un blouson de cuir. Au début, les membres de The Acid n’étaient même pas sûrs de savoir ce qu’ils composaient, comme le décrit Ry, « c’est comme de peindre avant de savoir ce que vous peignez. Vous êtes plongés dans le processus avant d’avoir la moindre idée de ce que vous créez. La beauté de tout ceci, c’est la liberté complète. »
Que tous les trois soient producteurs a été précieux pour la distillation de cette masse d’idées et d’instruments en un nouveau son concret. Construire de la musique, c’est ce qu’ils savent faire, il se trouve simplement qu’ils l’ont fait dans des lieux différentes par le passé. Le public de Ry a écouté son travail dans des espaces réverbérants, comme des églises ou le Berghain de Berlin, celui de Nalepa dans des clubs underground et des galeries d’art, celui de Freeland dans des immenses clubs et sur des scènes de festivals. Aujourd’hui, en tant que The Acid, ils ont créé des sons qui peuvent subjuguer des publics dans n’importe lequel de ces lieux, mais qui incarnent l’humilité vers laquelle ils tendent. « Le disque n’est pas sorti, on laisse le public décider. S’il l’aime, on fera des concerts. Quoi qu’il arrive, on fera d’autres disques. »
Le premier album a été écrit au cours d’une autre session intensive, dans l’espace studio de Nalepa. Comme le dit Ry, « on est allé beaucoup plus loin sur l’album que sur le EP. D’un point de vue conceptuel, sa réalisation a étendu l’ampleur de ce qu’on faisait. On avait un fil directeur tout du long, ça n’a pas vraiment d’importance qu’on ait ce truc ‘dingue’ d’un point de vue sonore, ce fil réunit tout. » Ils ont aussi magistralement réussi à conserver le son de The Acid, qui est « réduit à son maximum » primordial, comme l’admet Freeland : « Livré à moi-même, j’empile beaucoup trop de trucs dans ma musique, mais avec la discipline de trois personnes, on est assez exigeants les uns avec les autres. » Enregistré, et dans un premier temps mixé, par eux seuls, le matériel a ensuite été emmené dans un studio proche de chez Freeland, à Brighton, pour que chaque titre puisse être, étape cruciale, passé sur une bande, ce qui lui confère ainsi une chaleur humaine caractéristique.
Il aurait pu ne jamais voir le jour, mais le résultat semble parfaitement naturel de la part de ces trois esprits en phase, qui cherchent sans relâche à chambouler ce à quoi on pourrait s’attendre. Ils ont en commun des expériences musicales formatrices, étant tous tombés amoureux à diverses époques du shoegaze, du grunge, de l’electronica des débuts et de la musique classique moderne, chacun dans leurs propres fuseaux horaires, mais les membres de The Acid sont tous d’infatigables innovateurs. La portée de cette musique est immense, elle reste terrienne grâce à un son de basse viscéral, tout en évoquant le céleste par des sensations euphoriques. Le son est réellement sans-genre, un terme de plus en plus utilisé aujourd’hui, mais qui n’a jamais été aussi pertinent que pour décrire les enregistrements qu’ils partagent aujourd’hui – et continueront de partager – avec nous. Ils sont The Acid. Et ils sont encore bien plus par ailleurs.